mardi 13 février 2018

L'art d'écrire un récit de voyage - Le treck - 2/2




J5 : MARCHES

Réveil trop tôt après une nuit sans sommeil. Quand j'ai demandé à Bichram en quel honneur était la fête de cette nuit, il m'a dit qu'il s'agissait simplement d'un pic-nique comme nous avions fait nous-même la veille, qu'il n'y avait pas de raison particulière. Pour ma part, je trouve que cela ressemblait plus à une "rave" qu'à un pic-nique, mais ça doit être une question de culture! Il reconnait tout de même qu'il fait froid, et que boire et danser les réchauffent. Nous, nous n'avons finalement pas eu froid, mais les boules kies n'ont pas suffit et nous n'avons pas ou très peu dormi.

En sortant dehors, bien emmitouflées, avec nos frontales, je suis optimiste, le ciel semble dégagé.


Nous attaquons les 400 mètres d'ascension vers Panchase Hill par une série de marches. Je prends ma ventoline avant de suffoquer. Ces fichues marches semblent ne pas avoir de fin. Ma copine semble avoir un peu de mal. Je lui propose de prendre son sac, comme elle l'a fait pour moi au premier jour. Elle refuse. Moi, je me sens comme une guerrière, c'est dur mais un pas après l'autre, on y arrive! J'ai vraiment trop chaud. On s'arrête ensemble pour enlever quelques couches, boire une gorgée. On repart. C'est dur mais ça va toujours, enfin, jusqu'à ce que ça n'aille plus. Je crois que je vais vomir. Je fais une pause, reprends une bouffée de ventoline. Un pas après l'autre, je vais y arriver. Ces marches n'ont-elle vraiment pas de fin? J'ai des haut-le-cœur, on me propose de l'eau mais ce n'est vraiment pas possible. Je vomis, je souffle, me remotive et reprends l'ascension.


J'arrive encore à me persuader, je suis forte, je ne vais pas abandonner. Je pense une nouvelle fois à Mike Horn, peut-être je souris. Chaque pas est difficile et me retourne le cœur. Mon amie semble s'éloigner. Je ralentis le groupe alors que je sens le soleil pointer le bout de son nez. Je vomis une nouvelle fois. Je perçois les nuages tout autour, nous ne pourrons donc surement pas voir ces fichus sommets. Je surprend mon amie en train de demander au guide si nous sommes presque arrivés, celui-ci réponds simplement "non". Je désespère, je suis déçue, je ne vais pas y arriver. Je ne veux pas que mon amie rate le lever du soleil par ma faute. A plusieurs reprises, j'articule avec difficulté de ne pas m'attendre mais ma demande semble vaine. Je demande si le retour se fait par le même chemin. Bichram me dit que oui. Je pourrai donc abandonner mais je n'ose pas le dire, je poursuis mon effort. J'entends les voix du reste du groupe, je reprend espoir. Ils sont à quelques marches, assis. Je m'écroule, on ne voit rien, trop de nuages...et je comprends qu'il ne s'agit en fait que d'une halte! Ma décision est prise, je les attendrai ici. Pourtant je ne dis rien et lorsque le guide dit "zamzam", je me relève et repars. Je suis à la tête du groupe, je vais y arriver et j'y arrive. Cette fois, nous y sommes. Assise, je reprends mon souffle, boit quelques gorgées, me change, je suis gelée, la transpiration dans mon dos me glace. Le soleil est là, au milieu des nuages, orangé. C'est beau mais il n'y a même pas un bout de montagne en vue!!!



Et puis si, nous discernons Annapurna Sud et Cul de poisson.



Mon portable ne me permet pas de prendre de belles photos, tant pis. Après un petit moment à contempler les sommets, il faut redescendre.  C'est plus facile mais il faut rester concentrée pour ne pas chuter et vers la fin, j'ai les jambes qui tremblotent! Lors de la descente, un ou deux autres sommets se dessinent. Des géants de plus de 8000 métres!

Assise devant mon petit déjeuner, je suis lessivée et dire que nous n'avons même pas entamer la marche de la journée... Bichram était prêt à repartir aussitôt mais nous avons le temps. Un rayon de soleil nous réchauffe. Je commande un deuxième thé. L'instant est paisible, nous sommes bien. 

Nous repartons. 


Il y a bien quelques marches sur notre parcours mais la balade est facile et pas trop longue jusqu'à Bhadaure. 



Nous avons une chambre que pour nous avec des WC et de l'eau! La douche chaude sur le pallier! Nous partageons une bière avec les deux couples suisses et pour le repas, des pâtes avec des œufs, je suis un peu lasse du Dal Bhat.

Mes hommes me manquent, aujourd'hui encore, pas de wifi, il faudra attendre demain. Je culpabilise de les avoir laissés. J'ai peur qu'ils croient que je les ai abandonnés. En même temps, j'aimerai qu'ils soient fier de moi, de ce que j'ai accompli en venant jusqu'ici. Je ne crois pas que je repartirai sans eux d'aussi tôt! Ce voyage est extraordinaire et je suis très heureuse de le partager avec ma copine mais c'est auprès d'eux et avec eux que je veux vivre les prochaines aventures. Simples, en accord avec les valeurs qui m'ont poussée à faire ce voyage : la pleine conscience, la slow life, la proximité de la nature...mais pour cela pas besoin d'aller au bout du monde. Des weekends à la campagne, du temps en Camargue ou des vacances en Corse... Il me tarde de les serrer dans mes bras : dans une semaine pile.

Nous nous sommes baladés avec Bichram et Biru dans le village. Nous avons débattu des habitudes culinaires de nos deux pays.


Ce soir nous avons goûté à une nouvelle spécialité : les momos! Il s'agit de raviolis vapeurs aux légumes en forme de demi-lune accompagnés de légumes plus relevés proposés à côté. Puis le devenu traditionnel, black thé.

Il est 20h, nous sommes couchées. Après un peu de lecture, il faudra dormir. Demain encore le réveil sonne tôt : 5h30.



J6 : ANNAPURNA

Le ciel est dégagé ce matin, dès les premiers pas; les géants sont là, devant nous!


Le paysage éclairé par les premières lueurs du jour est magnifique. Il fait bon, la marche est facile. Bien sûr, le nez coule un peu, le ventre gargouille, les mollets tirent mais la vue d'Annapurna II, IV, d'Annapurna Sud et de cul de poisson nous ravie. Mon amie ne s'arrête plus de prendre des photos. Moi, je souris seule. Contente de ce que je suis en train de vivre. Je pourrais rentrer là maintenant en France, comblée. 


Mais l'ashram tant espéré nous attend et avant lui, la route. 
Le trek est terminé, nous avons vu l'Himalaya.






Si vous avez raté le début du récit, retrouvez-le en cliquant sur les liens ci-dessous:

samedi 3 février 2018

L'art d'écrire un récit de voyage - Le treck - 1/2



J3 : ZAMZAM

"On y va" en Népalais. Et oui, c'est parti! On attaque fort, des escaliers qui montent, qui montent, à un rythme rapide. Cela fait 5 minutes, j'étouffe déjà. Nous ne sommes pourtant qu'à 1500 mètres d'altitude! 30 minutes, je vomis. Les paysages sont magnifiques, des rizières en terrasse, mais je me demande si je n'ai pas vu trop grand. Si je vais être capable, si cette aventure n'est pas aussi déraisonnable que la fois où j'ai dévalé une montagne à vélo. Je pense à Mike Horn, je me dis que je n'ai pas le choix, que c'est une chance d'être ici et que je dois profiter!
Le rythme ralentis, je respire, ça y est, je suis vraiment partie. Nous ne croisons aucun touriste, juste quelques Gurung*. Nous discutons avec le guide. Nous croisons même une déesse!!!


Il s'agit d'un arbre vénéré par les bouddhistes de la région. Bichram et Biru sont de la même ethnie, de l'est de Katmandou. Ils sont bouddhistes et mange de la vache en cachette, sacrilège dans un pays où la moitié de la population est hindoue!
La fin de la ballade est relativement facile. nous arrivons là où nous dormirons ce soir. Il s'agit d'une petite chambre d'hôte dans la montage plus que d'un réel logement chez l'habitant mais l'endroit est charmant. Les femmes travaillent aux champs, en contre-bas. C'est très fleuri. Le soleil pointe le bout de son nez, il fait chaud.
Nous discutons en attendant le repas. Bichram est marié, il a un fils de 6 ou 7 ans, Alex. Biru est étudiant en droit, il a 25 ans. Bichram est fan de foot, il porte un maillot de l'euro 2016.
Le repas népalais qui nous est servi est très bon et même pas épicé.


Nous repartirons  balader vers 15H30. Pour l'instant nous profitons de cette halte, assise dans l'herbe au soleil. Le bruit des oiseaux et les voix d'hommes travaillant aux champs au loin nous parviennent. on entend même des cigales!


En traversant le village, on sais qu'on est au bout du monde. C'est de tout beauté. Les femmes dans les champs, des enfants qui jouent ou qui aident, à cette heure l'école est finie. Les visages sont souriants. Il y a une certaine gaieté dans l'air malgré le temps devenu nuageux. J'ai envie de tout prendre en photo, je regrette de n'avoir que mon portable, je me sens aussi un peu comme une intruse, légèrement mal à l'aise. J'essaie de garder en mémoire les clichés que j'aurais pu prendre.J'aimerais parler avec les gens, je n'ose pas plus. Etre là, dans ce monde qui n'est pas le mien, sans y avoir été invité, je ne veux surtout pas importuner. Les gens répondent pourtant très chaleureusement à mes "Namaste". Le guide pourrait traduire, il serait possible de ne pas être de simples spectateurs...je n'ose pas.

Cette journée est vraiment fabuleuse, tant les paysages et le village Gurung respire la sérénité, la beauté et le calme. Je me sent apaisée, dépaysée,  heureuse.

Des montagnes gigantesques nous entourent mais nous n'en voyons rien, trop de nuages...Demain, nous aurons peut-être plus de chance.

J4 : SANGSUES

Voilà l'événement le plus marquant de la journée, mais j'y reviendrai.

Le petit déjeuner nous est servi sur le toit terrasse au-dessus de notre chambre et de là, nous apercevons les sommets : Annapurna I et cul-de-poisson! Au moins, nous pourrons dire que nous les avons vus!!!



Dès le départ, la marche s'annonce difficile. Nous ne sommes plus seules, un autre groupe fait route avec nous. Il faut monter sans cesse et toujours ces marches qui se succèdent et qui ne semblent jamais finir. Nous pénétrons dans une forêt tropicale : humide, luxuriante, grandiose!!!


Bichram nous dit qu'il a prévu du gros sel pour les sangsues mais que nous ne devrions pas en croiser car ce n'est pas la saison! A partir de là, notre marche se fera au rythme des sangsues. Au départ, nous nous arrêtons beaucoup pour les faire tomber de nos chaussures, voir de nos pantalons mais nous comprenons vite que plus nous nous arrêtons, plus nous en avons!!! Voilà une bonne motivation pour opter pour une cadence élevée car même si ces petites bêtes ne sont pas bien impressionnantes, l'idée d'être attaquée par ces petits vampires ne m'emballe pas du tout! Et Biru qui marche en tongs! Aux montées, succèdent les descentes et ainsi de suite et toujours de longues portions avec marches! J'ai pris de la ventoline ce matin, je tiens mieux le choc mais il me semble que je dois être écarlate et que tout mon corps dégage une chaleur intense. Mon amie vient de se faire mordre, ça saigne beaucoup. Le gros sel est effectivement très efficace. Nous poursuivons. Nous marchons avec le groupe qui a dormi avec nous au refuge. Un temps je prends la tête de la marche : devant moi, la forêt vierge, je traverse une ou deux toiles d’araignée, je ne pense même pas à quelle genre d’araignée elles peuvent appartenir, une force me pousse à avancer, je suis fière d'être là. En même temps, les marches à gravir s’enchainent, je n'en peux plus, j'ai peur de ralentir le groupe. Je ne lâche rien, une nouvelle fois, je pense à Mike Horn.

Pause déjeuner dans une petite prairie. Le moment de repos fait du bien. Il fait bon, je profite de mon thermos de thé, nous nous allongeons un instant dans l'herbe fraîche. Le plus dur est derrière nous d'après le guide. Pour autant, l'après-midi est difficile. Mon sac me semble soudain très lourd. Il n'y a presque plus de marches mais le terrain n'est jamais plat. On entame une longue montée caillouteuse. A chaque virage, j'espère voir le bout de mon effort mais il faut toujours et encore mettre un pied devant l'autre. De sorte que l'arrivée s'avère presque magique!


Un drapeau bouddhiste flottant au vent marque le retour à la civilisation.Ce moment a une vraie valeur. En plus, l'endroit est vraiment charmant et nous sommes dans une chambre double, pas un dortoir.

 Je découvre les traces  d'une morsure de sangsue sous mon bras droit. Nous nous changeons vite pour des vêtements propres et secs. On découvre encore quelques sangsues sur et dans nos chaussures! mais très vite nous rechaussons et allons nous balader, il est très tôt, seulement 14h30-15h. Derrière le lodge "Happy Heart" de Panchase (2150 m), nous découvrons un coin étonnant, très vert, avec une grande mare. L'ambiance y est particulière avec la brume qui y règne. On pourrait se croire en Ecosse ou dans un film fantastique, il ne manque que quelques fées... Nous sommes seules. Je me dit que les quelques minutes passées là mérite à elles-seules le voyage accompli.


De retour à l'hôtel, un nouveau Dal bhat** nous attend. J'interroge Bichram, les népalais mangent-ils toujours le même plat? La réponse est oui, à quelques exceptions près. Des pommes de terre frites, des pâtes ou un plat de soupe, mais rarement. Du pop-corn à l'apéro!

De retour dans la chambre, nous réglons le réveil sur 4h45! Si le temps le veut bien, nous partirons demain à 5h avec nos frontales pour Panchase Hill (2550m) afin d'admirer la chaîne des Annapurnas au lever du Soleil. Je ne suis pas trop optimiste, mais j'espère.

Pour l'instant, il faut dormir. Il fait nuit noir, il est 19h30. L'humidité nous glace. Les matelas eux-mêmes sont humides, nos vêtements ne sèchent pas. La cabane, charmante, qui nous abrite laisse entrer le froid de toute part. Heureusement nous avons nos polaires et nos duvets.


*Gurung : ethnie tibéto-birmane himalayenne vivant principalement dans la région de Pokhara au Népal.
** Dal bahat : plat traditionnel népalais